- Jul 7, 2024
Musicien VS instrumentiste
- Arnaud Kervarec
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Celui qui jouait de la musique sans instrument.
Il y a quelques années, quand je suis devenu en accompagnateur en studio, une question que je n'avais pas forcément anticipée revenait souvent de la part des utilisateurs que je croisais au boulot :
...et sinon tu fais de la zik ? tu joues de quoi ?
Dans un premier temps, mon réflexe a été de répondre que j'étais plus technicien que musicien, que je faisais quelques trucs dans mon coin sans trop d'importance.
Puis, avec le temps, l'assurance venant vis-à-vis de tous ces zikos, je me suis rendu compte que mes 15 ans d'expérience en MAO à l'époque faisait de moi un musicien tout aussi respectable que ces bons vieux rockeurs forts sympathiques au demeurant.
Mais comment leur expliquer que je fais de la musique sans instrument ?
Et puis un jour, j'ai trouvé la formule : "je suis musicien, non-instrumentiste".
De là à dire qu'il existerait des instrumentistes non musicien, il n'y a qu'un pas... que je ne franchirai pas.
Ce n'est pas bien de juger.
Musicien VS instrumentiste : définitions
Quand je bute sur des problèmes, j'aime bien me référer aux définitions.
Voici donc un exercice, réalisé sans trucage : mes propres définitions, à l'aveugle, puis la proposition du dictionnaire (au cas où je raconterai n'importe quoi, ça arrive aussi).
Musicien
Ma définition : Qui va utiliser sa sensibilité afin de faire passer un message grâce à de la musique, créer une œuvre, seul ou en collectif.
La définition du dictionnaire : Personne qui compose ou interprète de la musique.
Instrumentiste
Ma définition : Qui joue d'un instrument de musique, qui développe une technique instrumentale dans le but d'agencer des sons avec son instrument pour faire passer un message, créer une œuvre, seul ou en collectif.
La définition du dictionnaire : Musicien(ne) qui joue d'un instrument.
Eh bien pour le coup, en reprenant la définition de musicien pour l'instrumentiste, j'étais dans le vrai !
Moralité, un instrumentiste, c'est juste un musicien avec un instrument.
Mais alors ton pc n'est pas un instrument ?
Hector Berlioz commence son Traité d'instrumentation et d'orchestration en déclarant que « tout corps sonore mis en œuvre par le compositeur est un instrument de musique ».
Sincèrement, je suis bien placé pour savoir le temps et l'énergie qu'il faut pour produire de la musique avec un ordinateur ou une groovebox.
Mais en même temps, ce serait mentir que de dire que c'est la même chose que d'apprendre à pratiquer un instrument. Désolé Hector.
Certes, il y a des points communs, le premier étant l'objectif final : faire de la musique.
Mais nous sommes bien faces à deux pratiques différentes. Complémentaires. Mais différentes.
Différentes par le rythme de travail, de production d'idées.
C'est d'ailleurs ce qui peut complexifier l'hybridation entre musique électronique et acoustique, surtout si les instrumentistes associés au projet ne sont pas accoutumés au rythme production avec une machine.
Une machine ne sort pas instantanément un résultat. Il faut la configurer, il faut programmer. Mais une fois fait, elle ne se trompera plus. Elle n'oubliera pas.
Un instrumentiste se doit de connaitre ses gammes. Sincèrement, un producteur n'en a que faire, la machine peut le guider sur ce point. Par contre, il devra développer son oreille pour utiliser ces gammes à bon escient.
Jean-Michel accompagnateur dans les années 90 pouvait dire à un gratteux "achètes toi des doigts". En d'autres termes, "travaille ta technique pour être plus précis et améliorer ta musique, camarade."
Le producteur n'a pas à travailler son jeu. Sa dextérité en dehors des raccourcis claviers ne sera pas tellement sollicitée.
Mais il a pourtant lui aussi une technique à travailler.
Shit in shit out.
Ce fameux proverbe de Lao tseu illustre avec finesse le fait qu'en musique, c'est bien souvent à la source qu'il faut peaufiner son art.
C'est donc à l'instrumentiste de proposer une belle performance, avec un beau son, si possible une belle captation pour avoir un bon rendu au final.
C'est donc au beatmaker, au producteur, au programmateur rythmique de proposer le meilleur contenu audio pour pousser le morceau le plus loin possible et avoir le meilleur rendu final.
Lorsqu'on accompagne un groupe et qu'on est instrumentiste, on a généralement aucun soucis à pointer les soucis dans le jeu du groupe. Et on a bien raison parce que c'est bien là que se situent les plus grosses marges de progressions.
Seulement, à partir du moment où le groupe commence à intégrer des machines, un ordi, bref des programmations électroniques, on ne devrait pas hésiter non plus à mettre en lumière le manque de technique de ce côté.
Donc, je finirai ce texte par un appel simple :
Producteurs & beatmaker, travaillez votre technique. Apprenez à sound designer, à programmer vos séquences, à les arranger. Apprenez à mettre de l'expressivité, du caractère, de la nuance dans votre travail.
C'est votre job. Pas celui de l'ingé son chargé du mix.
Si tu es à la recherche de méthodes efficaces ou d'un accompagnement personnalisé pour monter en compétences MAO, j'ai ce qu'il te faut ici.