Le mix est un puzzle dont seul l'artiste a le plan

J'ai toujours aimé travailler sur la musique des autres.

Arriver à un résultat conforme aux attentes de l'artiste, ce n'est pas rien.

Et ce qui me fascine, c'est ce processus de communication entre ingé et artiste pour arriver à ce résultat.

Tu trouveras une foule de tutoriels sur le net qui t'expliqueront les différentes étapes du mix.

L'égalisation, la compression, la saturation...

Autant de concepts et de techniques à maîtriser pour arriver à un résultat satisfaisant.

Seulement, définir le mix par ces simples processus techniques ne suffit pas à réellement comprendre de quoi il s'agit.

Cela ne suffit pas non plus à comprendre sa place dans le processus de production musical.

Pour vraiment saisir de quoi je parle quand j'utilise le mot mix, je te propose une analogie.

Un mix est un puzzle dont seul l'artiste a le plan

L'image à reproduire peut être plus ou moins complexe.

Abstraite ou concrète.

Il peut y avoir plus ou moins de pièces à assembler.

Au mix, il est possible de prendre des libertés sur l'assemblage. Du moment que ça s'emboîte, c'est ok.

Mais l'image sera alors différente que celle initialement prévue.

Le résultat peut alors être surprenant. Pas forcément mauvais même. Mais à coup sûr différent du plan initial.

Seul l'artiste dispose, dans son esprit de l'image à assembler.

Dès lors, le seul moyen d'agencer les pièces comme il le faut lorsqu'on délègue le mix, c'est de communiquer efficacement.

Le travail de l'artiste est d'imaginer l'image à produire.

Jusque-là rien d'étonnant.

Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que c'est aussi à l'artiste de façonner les pièces, une à une, et d'en déterminer le nombre.

En tant que technicien, nous ne faisons qu'assembler des puzzles.

Des puzzles dont seul les artistes ont le plan.

Un ingé de mix pourra réparer quelques pièces mal usinées mais certainement pas les refaçonner toutes.

Il ne pourra pas non plus transformer une image disgracieuse en chef-d’œuvre.

Le rôle de l'artiste

L'artiste va imaginer l'image.

Il va s'appuyer sur ce qui existe déjà, sur des codes mais aussi développer une certaine originalité.

Plus important encore, il va devoir acquérir de l'expérience dans la façon de découper cette image en pièces plus petites.

Un autre point qui me paraît essentiel : il est nécessaire d'avoir déjà tenté d'assembler un puzzle pour en fabriquer un.

Le mix n'est donc pas qu'une affaire de technicien.

L'artiste doit aussi régulièrement s'y essayer pour en comprendre les problématiques.

Cela lui permettra de fournir une matière première de meilleure qualité.

Au final l'artiste, à un rôle complexe.

Il imagine une pièce intégrale mais bien souvent, il n'a pas tout les éléments en mains pour la construire de A à Z.

Il va devoir se concentrer sur la création d'éléments plus simples et laisser l'assemblage à quelqu'un d'autre.

Il doit donc veiller à avoir des pièces qui s'assemblent de façon cohérente et ne pas en oublier.

Attention donc à ne pas avoir une vision de l'esprit de l'image à reproduire qui serai sans réels rapports avec les pièces à disposition.

Aucun espoir d'arriver au résultat souhaité dans ces conditions.

Pour le dire clairement et reprendre des termes musicaux : on s'attachera à la compo, à l'enregistrement, à la prod, bref avant le mix à optimiser la qualité de chaque élément, de chaque piste.

On pensera aussi à la place de chaque élément par rapport aux autres. Bien avant le mix donc.

En bref, on crée de la singularité et on anticipe la suite de la chaîne de production.

Le Rôle de l'ingé mix

L'ingé du mix va récupérer tout ce matériel et tâcher de l'ordonner de façon cohérente.

L'objectif est qu'il ne paraisse plus une diversité d'éléments mais un tout.

Le mix crée du liant entre ces éléments singuliers précédemment créés.

Cette analogie du puzzle te permettra, je l'espère, de comprendre que ce qui coule de source pour toi peut s’avérer moins évident pour la personne en charge du mix.

Tu as l'image en tête, tu as façonné les pièces.

Tout l'enjeu est donc de bien se faire comprendre.

La première des façons de se faire comprendre est d'avoir un matériel sonore qui parle pour toi. Quelque chose de logique avec déjà des choix engagés.

Exit donc les pistes sans aucuns effets, toutes au centre, toutes au premier plan.

Ensuite, avoir un vocabulaire commun est sans aucun doute un atout majeur.

Pour cela, il y a certainement un bout de chemin à faire des deux côtés.

Et c'est aussi morceaux après morceaux que des habitudes et des réflexes se développent dans un binôme. Et ça, c'est presque la partie la plus fascinante du processus je crois.

Parfois, en inversant quelques pièces, on peut arriver à un résultat tout aussi plaisant.

Ce n'est qu'une question d'arbitrage.

Il n'y a pas de bonne ou mauvaise solution pourvu qu'on ne déforme pas l'image.

Reste à savoir si de telles inversions, de tels imprévus ont leurs places dans le process de production de ton titre.

Et pour ceux qui se lancent dans la technique et qui commencent à mixer pour d'autres : gardez votre énergie pour vos morceaux.

Contentez-vous d'assembler les pièces.

Cela ne veut pas dire que le mix est une tâche aisée.

Il va vous falloir développer des méthodes pour trier et assembler les pièces efficacement.

Et surtout, il va vous falloir apprendre à être à l'écoute.

Car une fois de plus, je le répète, nous n'avons pas le plan de ce que nous devons monter !

Le rôle de l'ingé master

Et le master dans tout ça ?

Il peut éventuellement renforcer ou diminuer certains contrastes sur l'image.

Parfois un regard extérieur peut s'avérer utile pour cela.

Il pourra dans certains cas reprendre de petits défauts passés inaperçus dans l'image.

Une chose est certaine, il a la possibilité de faire beaucoup de dégâts !

Une bonne couche de vernis brillant ou matte pourra complètement changer l'image pour le pire.

On comprend aussi qu'il n'est vraiment pas temps au master de prendre une pièce pour la déplacer.

Encore moins d'ajouter un personnage oublié au second plan.

Idéalement, le master, va prendre l'image du mix, faire en sorte de faire disparaître un peu plus les jonctions encore légèrement visibles entre les pièces.

On aura face à nous un poster et non plus seulement un puzzle assemblé.

Le public

Au final, le public, n'aura face à lui que l'image finale.

Dans l'immense majorité des cas, il n'aura que faire du nombre de pièces nécessaires à l'assemblage.

Bien souvent, il n'aura que faire d'un mauvais positionnement ou d'une pièce un peu abîmé.

Pourvu que l'image lui plaise.

Dans le meilleur des cas même, il ne se posera même pas la question de savoir si ce qu'il a face à lui est un puzzle ou une peinture.

Il ne verra qu'une image.

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