- Sep 1, 2024
Écoutes analytiques : comprendre les enveloppes de volume pour améliorer tes prod
- Arnaud Kervarec
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La pratique, certes. Mais gratter au hasard les cordes d'une guitare n'a jamais fait de moi un guitariste. Tourner les potards dans Ableton ne donnera pas plus de résultats.
Un exercice que j’aime particulièrement faire pendant mes mentorats, ce sont des écoutes analytiques.
Faire progresser ses oreilles avec les écoutes analytiques
Les écoutes analytiques sont un excellent moyen de faire travailler son oreille, de décortiquer les codes d’un style ou d’un artiste.
Seulement, écouter sans méthode nous fait souvent replonger dans une écoute de plaisir, ou bien cela te permettra uniquement de pointer des éléments avec lesquels tu es déjà à l’aise.
Si je demande à un batteur d’analyser un morceau sans plus de consignes, il y a de grandes chances qu’il me fasse un retour poussé de ce qui se passe d’un point de vue rythmique. Éventuellement, j’aurai des informations sur la relation kick/basse.
C’est ce que le brillant Philippe Brégand, lors d’une session de formation à l’accompagnement artistique que j’ai eu le plaisir de suivre, nommait très habilement « l’os à ronger. »
On a tous tendance à se replier sur notre domaine de compétence et à voir tous les problèmes par ce prisme.
Au final, ça nous expose à deux risques :
D'une part, ça peut nous faire passer à côté de problèmes potentiels sur un titre. D'autre part, cela peut nous pousser à choisir des solutions non adaptées pour répondre aux problèmes identifiés.
Il faut donc essayer de sortir de sa zone de confort si on veut faire progresser ses capacités d’analyse. Et pour ça, il faut de la méthode.
Il y a énormément d’angles d’attaque et il est impossible de tous les couvrir en une seule écoute.
J’ai donc tendance à me focaliser sur un point pour voir comment le morceau évolue de ce point de vue.
Les différents angles pour une écoute analytique
L’angle évident, quand on commence à faire de la production ou du mix, c’est de jauger la balance tonale, de réfléchir en termes de fréquences. Quelles sont les sources aiguës, quelles sont les sources graves.
Mais l’exercice que je te propose aujourd’hui va un niveau plus loin et va t’ouvrir une toute nouvelle perspective dans l’analyse de tes morceaux de référence.
Il va falloir que tu sois vigilant aux enveloppes de volume des sons. C’est-à-dire repérer les sons qui sont les plus percussifs, avec le plus d’attaque, et ceux qui sont plus doux. L’objectif étant de faire un classement des différentes sources du morceau.
Ce que tu vois ci-dessous, c'est la même note, placé au même endroit avec deux réglages différents sur un même synthé. Et si tu n'es pas branché synthé, fait la même chose avec une guitare, un médiator et un archet et tu auras le même résultat.
Quand tu seras à l’aise avec les attaques, tu vas pouvoir réfléchir à la tenue des sons, leur sustain.
Pour un kick, une snare, un hat ou un synthé, il existe une infinité de sustain possibles, et bien souvent, comprendre les enveloppes de volume d’un style, c’est une excellente porte d’entrée pour commencer à coller aux standards et te rapprocher du son de tes références.
Tu seras parfois surpris de constater que des percussions sont beaucoup moins percussives que tu ne le penses, que les attaques d’une voix sont particulièrement marquées, que des charley sont finalement plus longs que ce que tu as l'habitude de faire intuitivement...
C’est, à titre personnel, la méthode que j’utilise pour appréhender des styles musicaux que je connais moins lorsque je dois entamer le travail avec un nouvel artiste.
Car évidemment, tu t’en doutes, l’intérêt de l’exercice est de transformer ces compétences en résultats concrets pour ta musique.
Savoir utiliser ses compétences d’analyse dans ses morceaux
Pourquoi savoir analyser les enveloppes est important ? Eh bien, tout simplement parce que ça va te permettre d’intervenir à la source au moment de tes compositions. Ça va te permettre de partir avec du matériel sonore adapté au résultat souhaité.
Concrètement, ça veut dire choisir des samples et des presets non plus en fonction de leur timbre uniquement, mais aussi en fonction de leur impact et de leur tenue dans le temps.
Et ensuite, si tu es plus à l’aise avec les outils de sound design, tu pourras modifier ces enveloppes de volume pour adapter ces sources à ton morceau, à ta compo, à son BPM, bref, au contexte.
Ces compétences sont importantes, mais plutôt que de t’essayer à l’aveugle sur tes morceaux, je te propose d’aller écouter ce que font les artistes que tu aimes.
La méthode d’analyse
Une simple prise de notes n’est pas très commode pour classer rapidement les sources, donc j’utilise des templates avec des cartes à glisser que je mets à disposition des artistes avec lesquels je travaille pendant mes mentorats.
Je décide de ce que je vais classer en abscisse et en ordonnée, je prépare des post-it avec les noms des éléments que je croise régulièrement (kick, snare clap, lead etc.)
Je te mets un exemple ci-dessous, n’importe quel programme de post-it numérique devrait faire le job. Personnellement, je fais ça avec la fonction "canva" de mon logiciel de prise de note : Obsidian.
Ces petits schémas sont très intéressants à comparer d’un titre à l’autre, et il est parfois utile de comparer un titre plusieurs fois en construisant plusieurs tableaux avec plusieurs angles d’attaque pour l’analyse.
Je te mets ici un exemple d’une analyse du morceau Terminal 0 de Boris Brejcha. J’y ai classé les sources en fonction de leur attaque (de haut en bas) mais aussi en fonction de la plage de fréquence qu’elles occupent. J'ai joué sur la largeur des post-it pour marquer la plage de fréquence occupée, mais j'aurai aussi pu m'en servir pour illustrer leur sustain.
Le fait d'utiliser des cartes à glisser permet d'ajuster le classement au fur et à mesure que de nouveaux éléments apparaissent dans les morceaux. Le fait de ne pas avoir à écrire m'aide aussi à ne pas perdre le fil de l'écoute.
Si je devais faire d'autres écoutes du même titre, je serais certainement en mesure de mieux caractériser les différentes sources afin de les nommer plus clairement. Mais ici le plus important est de voir qui prend le dessus sur les attaques.
D'ailleurs, tu vois le contraste intéressant qui apparait entre la douceur des mélodies et le punch des rythmiques ?
Cet exercice est particulièrement efficace à faire à plusieurs, car il permet aussi d’acquérir un vocabulaire commun. C’est donc un moyen parfait pour décortiquer des titres de référence si tu joues en groupe.
C’est aussi bien souvent en croisant les analyses de plusieurs personnes qu’on peut confronter les points de vue et avoir des discussions intéressantes sur un artiste ou un style musical.
Écoute analytique et subjectivité
Car oui, il est important de préciser que l’analyse n’est rien sans une part de subjectivité. Nous ne sommes pas des robots et la production d’un titre ne saurait suivre une recette universelle (n’en déplaise aux services de musique générative par IA).
Donc pour chaque titre, prends soin de noter ce que tu aimes et ce qui marche moins bien selon toi. Note ce que tu pourrais réutiliser dans ta musique.
Si on reprend l’exemple du titre de Boris Brejcha, c’est ce genre de titre qui m’a fait comprendre que les snares courtes et avec des attaques bien contrôlées et pas trop brillantes étaient vraiment à mon goût sur ce type de morceau dancefloor.
J’ai donc changé ma façon de designer les snares par rapport à ce que je faisais naturellement. J’ai écouté, analysé, jugé et intégré à ma pratique.
Voici donc ce qu’il te reste à faire dès à présent :
Plan d’action
Construis-toi un template avec des post-it numériques
Programme 10 petites minutes dans ta journée pour faire entrer cette habitude dans ton quotidien. Un morceau par jour est amplement suffisant, ne va pas te dégouter.
Analyse plusieurs morceaux d’un style que tu connais bien pendant une semaine.
Analyse plusieurs morceaux d’un style que tu maîtrises un peu moins techniquement, mais que tu apprécies durant une autre semaine.
Reprends tes notes et fais-toi une synthèse de ce que tu pourrais réimporter dans ta musique.
Recommence l’exercice avec d’autres angles d’attaque : la répartition stéréo, la saturation, la reverb, les back vocaux, etc.
Avec cette méthode et cette habitude de travail, tu pourras faire un vrai lien entre tes moments d’écoute et tes moments de production.
Tu vas affiner tes capacités d’analyse tout en prenant du plaisir.
Tu pourras développer tes goûts en termes de production et identifier les techniques à travailler pour atteindre tes objectifs.
Alors, tu attends quoi ?